Au travail

Une journée comme une autre au sein de la Stein Company, songea Maëvane lorsqu'elle avait vu débarquer Sören, furibond, au bureau sans même saluer qui que ce soit. Elle l'avait suivit des yeux alors qu'il s'était empressé de rejoindre son bureau, embourbé d'une humeur noire. Sans se laisser distraire par cette arrivée en trombe, la jeune femme entreprit de préparer du café, laissant un instant sa paperasse et son écran. Ce serait d'un Sören d'humeur joyeuse qui l'aurait fait s'interroger de milles et une question. En revanche, son réflexe était effectivement bien plus motivé par l'humeur massacrante de son patron aujourd'hui et elle ne l'aurait peut-être pas eu du premier coup s'il s'était présenté avec plus d'enthousiasme. Elle s'en félicita intérieurement lorsque, alors que la boisson s'achevait, l'homme l'appela depuis son bureau. Bien. Au moins, elle n'aura pas à le déranger juste pour lui donner ce gobelet. Et comble de la coïncidence, quand elle débarqua, ce fut clairement ce qu'il demanda. Sans une once de politesse, certes, mais au moins il n'aura pas ses cent ans d'attente dans l'estomac.

- C'est déjà prêt monsieur, signa t-elle d'un léger sourire en pénétra d'avantage dans le bureau avec la boisson fumante qui commençait sérieusement à lui brûler la main.

Elle lui confia le café avant de prendre congé à sa demande pour retourner au travail qu'elle avait abandonné un peu plus tôt. A peine avait-elle eut le temps de se remettre dans le bain pour retrouver où elle en était qu'elle vu à nouveau appeler à travers la porte. Il avait visiblement de la voix à donner aujourd'hui. Mais ce n'était pas avec ça que l'assistante parviendra à s'occuper de ses fichiers. Se levant à nouveau, elle regagna le bureau de son boss.

- Oui ?

Avait-il oublié l'existence du téléphone ? Cet appareil fabuleux qui permettait de communiquer à distance sans avoir à bouger de sa place ni même à s'égosiller comme un forcené ? Sur place, elle s'étonna de sa requête. Non pas celle du poulet curry ! Mais l'annulation de tous les rendez-vous prévu aujourd'hui. Cela faisait un bon paquet tout de même et ça ne lui semblait guère raisonnable. Notant son repas de midi dans un coin de son esprit, son attention de reposa aussitôt sur Sören qui la pressa d'avantage, mais elle ne bougea pas.

- C'est que vous aviez rendez-vous pour la demande d'aménagement à l'hôtel Ritz Carlton, et vous l'aviez déjà annuler la semaine dernière.

Malgré l'homme qui tempêtait depuis son arrivée, la jeune homme n'avait rien perdu de son calme, bien qu'elle appréhendait aisément les réactions de son patron. Elle était son assistante, et elle ne pouvait se permettre de le laisser faire n'importe quoi sous prétexte qu'il n'était pas dans son bon jour. Pas sans lui faire part de possibles conséquences à ses caprices en tout cas.

Au travail

Malgré le fait que Sören était un patron difficile et loin d'être aimable, ça ne dérangeait pas la jeune femme de travailler pour lui. Elle s'estimait même chanceuse d'avoir obtenu ce poste. En dépit des humeurs de son boss, ce dernier lui faisait quand même suffisamment confiance pour lui confier le rôle d'assistante personnelle et ça, ça n'avait pas de prix. Elle espérait bien être digne de ce poste. Elle ne comptait pas le décevoir. Jamais. En fin de compte, il y avait du bon dans le comportement de cet homme : c'était ce qui permettait à Maëvane d'être aussi assidue au travail. Et c'était d'une grande aide pour ne pas penser à autre chose, comme les années difficiles qui avaient précédé son arrivée à Cranstown. Elle était venue aux Etats-Unis pour refaire sa vie et c'était en réussissant à mettre de côté le passé qu'elle y parvenait assez bien.

Que le patron soit désagréable, ce n'était pas si grave. Il y avait un monde entre le travail et la vie personnelle et Maëvane savait que Sören n'était pas un monstre dans les deux. En apprenant à connaître Samuel et Barlow, elle avait appris à connaître cette part de Sören qu'elle ne verrait sans doute jamais. Ou qui ne lui sera jamais destiné. Quand ce dernier demanda confirmation de ses propos, elle opina du chef. Le gérant de l'hôtel n'apprécierait sans doute pas se faire éjecter une seconde fois.

- Très bien, répondit-elle finalement avant de quitter les lieux.

Elle ne savait pas trop ce qui avait pu mettre son boss dans un tel état mais elle savait néanmoins qu'en général, il suffisait de pas grand chose. Maëvane retourna à son bureau pour se mettre à l'ouvrage.

Au travail

C'était ça d'être une assistante personnelle après tout. Maëvanne devait bien avouer que la demande de Sören, lorsque ce dernier quitta son bureau pour se rendre à son rendez-vous ne l'étonna qu'à moitié. Oh bien sûr, il aurait pu prendre Samuel avec lui également, mais là n'était pas le travail de l'homme que celui que demandait Sören à la jeune femme.

- Oh, comme vous voudrez, répondit-il alors avant de prendre son nécessaire.

Pas attentif ? Ce rendez-vous l'agaçait donc à ce point ? Malheureusement, le travail étant ce qu'il était, ce n'était pas aux humeurs de chacun de commander l'ordre du jour. Maëvanne accompagna l'homme à l'extérieur du bâtiment jusqu'à l'arrivée de leur transport dans lequel elle se glissa après lui.

- Comme si vous m'aviez déjà..."engueuler" pour manque d'attention monsieur, répondit-elle, un sourire en coin, à la remarque de son boss qui semblait remettre en doute ses compétences.

En revanche, elle ne s'était pas attendue à un commentaire concernant ses chaussures. Assez confuse, elle y jeta un oeil sans vraiment y trouver quelque chose à dire. A croire que Sören avait décidé de se prendre pour Miranda Priestly aujourd'hui. Ils n'étaient pourtant pas attendu chez le Président qu'elle sache.

- C'est du Gucci, fit-elle remarquer malgré tout.

Elle se doutait bien qu'elle ne pourrait pas faire changer d'avis l'homme de cette manière, cependant elle ne tenait pas non plus à passer pour une femme de mauvais genre ou de goût atroce. Elle suivit alors Sören à l'intérieur d'un magasin luxueux et lorsqu'il mentionna, à nouveau la demoiselle ne put s'empêcher de vérifier la sienne qui lui avait pourtant toujours convenu.

- ...D'accord, se contenta t-elle de dire, légèrement prise au dépourvu.

Elle ne comptait pas traîner, au risque de mettre son patron en retard à son rendez-vous, et ne se fit pas prier pour suivre la dénommée Linda qui la conduisit au rayon approprié.

- Eh bien, se dit-elle, j'ignorais que je représentais une aussi mauvaise image de la boîte.

Les prix étaient exorbitants en plus et elle ne comptait pas abuser non plus. Elle espérait simplement que ses choix de préférence conviendront mieux à l'homme. Alors elle opta pour de nouvelles chaussures à talons, assortie à une veste légère et élégante sans pour autant être particulièrement voyante.

Au travail

Heureusement que Maëvanne avait apprit à faire avec le caractère de son supérieur. Et si elle avait su rester à ses côtés, c'était bien parce qu'elle en avait autant la patience que les compétences requises pour tout ce que ce poste exigeait. A la question de l'homme, elle feuilleta rapidement son planning histoire de ne pas dire n'importe quoi et répondit :

- Monsieur William Hudson, directeur des services généraux.

La jeune femme devait bien admettre qu'elle n'était pas d'accord avec la réflexion de Sören. C'était le but des marques de luxe, d'être classe, ou tendance. Même si elle avait choisi ces chaussures surtout parce qu'elles lui plaisaient. Les deux allaient de pair car Maëvanne avait toujours eu un petit faible pour la mode, sans en faire une obsession non plus. Elle fonctionnait au coup de coeur. Il fut un temps où jamais elle n'aurait pensé avoir un jour les moyens de s'offrir quelconque objet de marque, alors à présent elle prenait le temps de se faire plaisir. Même si ce n'était visiblement pas au goût de tout le monde.

- Je respecte votre avis, conclua t-elle simplement.

Il pourra bien dire ce qu'il voudra, elle les aimait, elle, ces chaussures. Elle opta donc pour une nouvelle paire, songeant à ce qui pourrait sonner "classe" dans la tête de son supérieur et son choix s'avéra apparemment satisfaisant. L'homme paya généreusement même si c'était sans doute qu'il pouvait se le permettre étant donné sa richesse. Maëvanne se permit tout de même de le remercier même s'il n'en aurait probablement pas grand chose à faire, ainsi que la dénommée Linda qui avait eut la patience et le professionnalisme de la diriger durant ses achats. Après quoi, la Néo-calédonnienne suivit son supérieur jusqu'à la voiture qui reprit aussitôt la route.

- Cela m'arrive de temps en temps, avoua la jeune femme aux paroles de l'homme, majoritairement à Philadelphie quand j'en ai le temps. Vous intéressez-vous au shopping monsieur ?

La question pouvait paraître étrange mais Maëvanne avait néanmoins conscience que bien des hommes en vérité pouvaient trouver à leur tour une passion pour la mode ou même le plaisir de dépenser en boutique. Maëvanne n'arrivant pas à définir ce qui correspondait vraiment à Sören s'était décidé à le questionner à ce sujet. Après tout, c'était un homme aussi riche que chic. Et puis, il avait une fille. Qui sait s'il avait peut-être l'habitude de l'emmener faire les boutiques également ?

Au travail

Voilà déjà deux ans que Maëvane était venu vivre en Amérique pour se remettre de son drame du passé et changer de vie. Aujourd'hui, il n'était pas envisageable pour elle de se questionner à savoir si elle devait rester à travailler pour Sören ou non. Elle avait réussi quelque chose qu'elle n'aurait jamais pensé réussit en débarquant à Cranstown, à savoir avoir un poste aussi important dans une compagnie, elle, la petite fille insulaire. Certes, les humeurs de son patron n'étaient pas les plus agréables. Mais d'un autre côté, elle n'avait pas tellement d'élément de comparaison. Si ça se trouve, il existait bien pire que lui. Et puis, elle était loin de voir le mal absolu en lui. Il était sévère et exigeant mais elle savait le père attentionné qu'il était et avait connaissance des bons sentiments dont il était capable même si ça ne lui avait jamais été destiné. Elle ne se donnait pas le droit de juger un homme par les simples interactions qu'il avait avec elle. Elle le jugeait dans sa globalité et il était loin d'être le diable en personne.

Elle hocha la tête à la réponse de son supérieur au sujet du shopping et n'était guère surprise. Bien évidemment qu'il avait des goûts de luxe et il n'était pas nécessaire de bien le connaître pour s'en rendre compte. Elle afficha un sourire. Sans raison particulière si ce n'était qu'un sourire était aussi digne d'une assistante comme elle et pour ce qu'elle représenterait aux yeux de celui avec qui ils avaient rendez-vous. La bonne impression, c'était important. Même dans une entreprise de pompe funèbre ça l'était ! Le duo arriva alors sur place et surtout à l'heure malgré la pause shopping. L'entretien se fit sans encombre et leur client savait déjà parfaitement ce qu'il désirait pour ses locaux. Maëvane ne perdit pas une miette de l'entrevue, plutôt intéressante d'ailleurs fallait-il bien l'avouer. L'entreprise de Sören faisait des merveilles et elle l'imaginait aisément combler tout les désirs de leur client du jour. L'affaire était parfaite.

Une fois de retour dans la voiture, Maëvane commença la lecture de ses notes, histoire de commencer un peu de tri dans ces dernières tant qu'à faire. Elle n'aimait guère perdre du temps. Chaque minute pouvait être utilisé à bon escient et les trajets en voiture étaient plutôt pas mal pour ça parce qu'il n'y avait vraiment rien d'autre à faire à part se laisser conduire. Les mots de l'homme cependant ne manquèrent pas de lui faire lever les yeux hors de son dossier, assez étonnée par les instructions qu'il venait de donner au chauffeur.

- Eh bien, je vous remercie pour cette invitation que j'accepte volontiers, finit-elle par répondre avec un doux sourire.

Enfin, elle espérait aussi qu'il ne se sente pas obligé de faire ça sous prétexte qu'elle avait bien bosser. D'ailleurs...Ne bossait-elle pas toujours aussi bien ?

- J'ai un peu d'expérience dans la cuisine française, avoua t-elle alors, et elle ne me déplaît pas le moins du monde.

Même si, depuis qu'elle était arrivée aux U.S.A., elle n'y avait plus trop touché pour le moment, préférant opter pour des restaurants plus typique du continent.

Au travail

Maëvane accentua son sourire. L'offre de Sören était aussi généreuse qu'étonnante. Elle n'avait évidemment pas s'en plaindre. En tant qu'assistante personnelle, elle acceptait volontiers de partager un repas avec lui. Au final, elle était un peu comme son ombre à cet homme. Le terme "personnel" dans sa profession n'était pas pris à la légère de la part de la jeune femme qui était dévouée à son supérieur. Maëvane allait cependant de surprise en surprise lors des paroles suivantes de son patron.

- C'est vrai, vous l'êtes, répondit-il avec une pointe d'humour, je m'ennuierais sans doute si vous ne l'étiez pas.

Elle lui offrit un sourire amusé, le regard pétillant. Evidemment, ça restait de l'humour et Maëvane n'aurait clairement pas dit non à un boss un peu plus sympathique et agréable au quotidien. Mais c'était des moments comme celui qu'elle vivait en ce moment, atteinte par la sincérité soudaine de son patron, qui lui signalait qu'elle était parfaitement à sa place là où elle était. Après tout, si elle n'était pas là pour supporter cet homme, qui d'autre le ferait ? Qui aurait autant de patience sans perdre une once de loyauté ?

- Vous n'avez pas besoin de me remercier vous savez, ajouta t-elle chaleureusement, je ne fais que mon travail.

Une fois à destination, elle emboîta le pas de Sören à l'intérieur de l'imposant restaurant dont elle ne pouvait se vanter jusqu'à présent d'en avoir seulement vu la devanture. Avec une pointe d'hésitation, elle attrapa la coupe de champagne qu'on lui offrit, s'interrogeant intérieurement autant que Sören sur ce qui valait ce champagne. Elle joua le jeu malgré tout.

- Pourquoi pas tout simplement à la réussite de l'entreprise ? C'est une bonne affaire qui vient d'être accompli.