La vie était ainsi. Les gens avaient des projets. Ils allaient de l'avant. On ne restait pas éternellement la même personne au fil des ans. Et il était temps pour Alessandro de le comprendre encore mieux face à la décision de Yura. Tous deux étaient revenus depuis longtemps maintenant de leur séjour en Italie où l'Inuit avait décidé de se marier. Depuis cette décision, l'Italien n'avait eu de cesse de s'inquiéter pour son avenir. Yura allait se marier. Il allait devoir prendre une maison pour fonder sa famille. Et lui dans l'histoire...? Toujours étudiant, Alessandro n'avait toujours pas les moyens de s'offrir un foyer à part entière pour sa personne. Le temps que Yura déniche la maison de ses rêves qu'il partagerait avec Riley, Alessandro avait entreprit de chercher quelqu'un d'autre qui accepterait de faire de la colocation avec lui.

Après des mois à vivre auprès de celui qui était devenu un grand ami, c'était dur. Très dur de se faire à l'idée qu'ils devaient se séparer. Mais Yura avait des ambitions plein les yeux avec son groupe et sa femme à présent et il allait quitter Cranstown pour une ville plus grande et plus dynamique. Ce fut le coeur brisé que l'Italien s'était lancé dans ses propres recherches. Parviendra t-il à trouver un colocataire aussi génial que l'avait été Yura ? Yura n'avait pas été l'homme parfait. Entre son caractère difficile et son manque évident d'organisation et de propreté...Mais il avait toujours eu un grand coeur et il avait été un ami bien précieux durant ces mois de cohabitation. Vivre loin de lui n'allait pas être évident. A vrai dire, Alessandro avait le même sentiment que lorsqu'il avait cherché sa première colocation et qu'il avait dû quitter ses parents pour démarrer ses études à Philadelphie. Mais la vie, c'était ça parfois. Des séparations. De la peine. Oh il reverrait Yura pour sûr. Il garderait contact avec lui quoi qu'il arrive. Personne n'était mort après tout. Tout ceci n'était qu'un nouveau chapitre. Un nouveau départ. Une étape suivante à prendre.

Contre toute attente, il avait déniché une annonce dans la gazette de la ville d'une personne qui cherchait un colocataire. C'était une occasion en or ! Peut-être même la seule qu'il trouverait. Aussi, le métis n'avait pas hésité à contacter cette personne pour lui faire part de sa "candidature", espérant tomber sur quelqu'un qui fera un aussi bon colocataire que Yura. La dite personne et lui avait ainsi rendez-vous dans l'appartement de cette dernière et Alessandro s'y rendit. Il arriva sur les lieux, sonna au nom indiqué avant qu'une voix de femme ne lui fasse savoir qu'elle lui ouvrirait. Le métis se hâta de se rendre au palier de cette dernière, affichant un sourire en réponse à celui que lui tendait la femme à la porte pour l'accueillir.

- Salut, répondit-il quelque peu intimidé, et merci.

S'agirait de ne pas tout foiré à présent. Tout s'était très bien passé la première fois avec Yura après tout. Pourquoi en serait-il autrement ? Sans doute parce qu'il avait encore sur le coeur l'idée de quitter l'Inuit. C'était toujours déstabilisant un tel changement de vie, surtout pour quelqu'un qui était très attaché aux habitudes. Mais bon. La demoiselle avait l'air fort sympathique aux premiers abords. Et quand il pénétra dans l'appartement, il ne put qu'avoir le plaisir d'y distinguer une propreté exemplaire. C'était déjà un bon point. Le désordre de Yura était la seule chose qui ne lui manquerait pas. Même s'il avait toujours prit plaisir à faire son ménage ! Après un rapide coup d'oeil autour de lui, il ne se fit pas prier à l'invitation de Nalini -drôle de nom d'ailleurs- et s'installa sur un des fauteuils présents.

- Eh bien...Du thé si tu as éventuellement.

Le temps s'était grandement refroidi ces derniers temps. L'automne frappait à la porte de la ville et le jeune homme qui allait bientôt connaître son premier automne à Cranstown était encore trop habitué au doux climat de Los Angeles pour apprécier ces baisses de températures. Aussi, une boisson chaude ne serait pas de refus.

Le jeune métis étira un sourire à la réponse de la demoiselle. Autre point commun les concernant semblait être le thé. D'un autre côté, Alessandro n'avait jamais été très difficile en matière de boisson. A part les alcools trop fort à son goût, il y avait peu de choses qu'il n'aimait pas. Mais le thé et le chocolat chaud allaient sans aucun doute grimper sur la place numéro une dans son coeur avec l'approche de l'hiver. La jeune femme s'absenta donc un court instant avant de revenir avec le dit breuvage accompagné de quelques douceurs. Elle avait le sens de l'accueil, c'était le moins qu'on puisse dire. Alessandro n'en demandait pas tant !

- Merci, fit-il avec un petit sourire avant d'attraper le mug fumant au risque de se brûler les mains.

Il n'y fit guère attention. C'était même plutôt agréable en vérité. A Los Angeles, il n'avait jamais vraiment ressenti cette sensation si réconfortante d'une boisson chaude servie par temps frais étant donné les températures naturelles de la Californie. Et d'ailleurs, le thé était là-bas une boisson qu'il avait surtout l'habitude de prendre pour apaiser une vilaine crève.

- Vraiment ? s'étonna le jeune homme aux paroles de Nalini, moi qui galérais à trouver des réponses à mes annonces.

Entre celle qui avaient des réponses mais qui ne correspondaient et lui qui lançait une réponse sans trouver de récepteur, autant dire qu'ils s'étaient potentiellement bien trouver. Mais le jeune homme songea alors à une chose et se sentit quelque peu mal à l'aise.

- Hm...Du coup j'espère être quelqu'un qui correspond éventuellement à tes attentes.

Parce que, pour une fois qu'on lui répondait, ce serait dommage de se faire jeter sous prétexte qu'il n'entrait pas dans un critère bien précis. Yura n'en avait pas vraiment eut pour sa part. Il avait tout accepté venant de l'Italien sans problème. La demoiselle lui demanda alors de lui parler un peu de lui. C'était toujours un peu délicat comme question. Alessandro ne savait jamais ce qu'il devait dire ou ne pas dire. Mais Nalini lui donna déjà un petit coup de main avec une première question qui ne manqua pas de faire sourire le métis, quoi que ce dernier s'empressa de répondre :

- Absolument pas ! Je peux te le jurer.

Autant ôter les doutes tout de suite. Mais rares étaient les personnes qui devaient répondre "oui" à cette question. C'était une chose qu'on avait tendance à apprendre avec le temps. Ceci dit, Alessandro désirait ardemment qu'elle le croit sur parole.

- Je pense même que la poussière risquera de te manquer à force et puis euh...Il y a aussi de forte chance pour qu'on se dispute la salle de bain. Mon ancien colocataire me reprochait sans cesse d'y rester des heures.

Il tourna sa tasse dans sa main sous cette confidence qui lui laissa un sourire aussi amusé que nostalgie en songeant à un Yura énervé de l'autre côté de la porte.

- Et puis euuh...J'ai une peur panique des insectes alors j'ai...tendance à tout faire pour m'assurer qu'ils ne débarquent pas.

Et ça commençait par une hygiène irréprochable des lieux, ne serait-ce que pour éviter les cafards, les mouches, les araignées et autres joyeusetés que le métis ne pouvait pas voir en peinture.

Autant être honnête jusqu'au bout et ce n'était même pas une option pour le jeune homme qui avait de toute façon horreur du mensonge. Aussi bien d'en faire que d'en être victime.

- Eh bien, j'ai commencé mes études à Philadelphie et je n'ai pas les moyens de pouvoir pleinement payé un loyer. Oh mais ne t'en fais pas hein ! Je paierais ma part ici de toute évidence !

Il prit un peu de thé avant de poursuivre avec moins d'assurance.

- Et puis aussi...Comment dire...J'aime pas trop ça. Vivre tout seul.

Il eut un haussement d'épaule, quelque peu embarrassé de l'aveu mais autant reconnaître effectivement que l'argent n'était pas seul fautif dans l'histoire. Le métis avait quitté sa famille de Los Angeles pour se rendre à l'autre bout du pays, vivre dans ce coin paumé qui n'avait rien à voir avec sa belle ville californienne et l'idée de se retrouver seul dans un appartement ne lui avait pas plu du tout. Il l'aurait sans doute fait s'il n'avait pas eu le choix et les moyens de se l'offrir mais quitte à choisir, il aimait vivre avec quelqu'un. La solitude ne lui convenait guère. Il devrait presque se réjouir de ne pas avoir d'argent pour un loyer afin d'avoir une bonne excuse de squatter chez quelqu'un !

- Ah oui ? souffla t-il avec espoir en relevant son regard vers elle.

C'était vite expédié mais il n'allait pas s'en plaindre ! Il avait simplement dû se montrer assez convainquant. L'annonce suivante de la jeune femme fit sourire Alessandro d'embarras mais de plaisir aussi tandis qu'il se passa une main sur sa mèche, aux anges face à cette acceptation.

- Wow...Merci beaucoup ! Je pense ne pas perdre de temps en effet.

Il était temps de laisser Yura avec toute la place qu'il lui fallait pour sa nouvelle vie et plus tôt c'était fait, mieux ça sera.

- Non du tout, ne t'en fais pas.

Il ne comptait pas l'embêtait non plus et être un fardeau pour elle. Colocation oui, mais chacun avait son emploi du temps aussi.

- Tu fais quoi comme travail d'ailleurs ?

Enjoué, l'Italien posa sa tasse avant de se lever et d'emboîter le pas de la demoiselle. Il en profita pour observer les lieux et se familiariser au maximum avec. Il nota les pièces présentées dans son esprit avant de jeter un oeil à la chambre qu'elle lui présenta.

- Ca m'a l'air parfait, assura t-il, enfin je veux dire, je me serais contenté de n'importe quoi bien sûr !

Mais disons que plus c'était grand, mieux c'était. Il aura au moins la place pour caser son immense garde-robe.

Alessandro eut un sourire. La mode, voilà qui aurait été de bonnes études aussi ! Oui, il aurait pu être tenté par prendre cette voie, et devenir styliste comme sa mère. Ca l'avait effleuré plus d'une fois. Pourquoi pas ne pas reprendre l'entreprise maternelle justement ? Disons que s'il ne parvenait pas à percer dans ce qu'il faisait maintenant, ça sera toujours sa sortie de secours. Mais en vérité, le jeune homme espérait tout de même réussir sa voie et accomplir son rêve d'avenir.

- Ca m'aurait plu aussi ! avoua t-il alors, mais non, je suis en cosmétologie.

Et autant dire que les garçons étaient plutôt rares là où il étudiait. Aussi, il comptait bien se surpasser et y mettait toujours toutes ses chances.

- J'aimerais...poursuivit-il un peu embarrassé, j'aimerais pouvoir ouvrir un jour mon propre institut d'esthétique.

Il était visiblement tombé sur quelqu'un de compréhensif. Même si elle avait l'air d'apprécier d'avantage la solitude que lui. Rien que pour ça, il se promit de ne pas être trop envahissant.

- Je suppose qu'on peut être très indépendant tout en appréciant la compagnie des autres.

Lui-même était plutôt débrouillard en fin de compte. Quoi qu'il en soit, le plaisir fut sans nom quand la jeune femme lui affirma qu'il était le bienvenue ici et qu'il pouvait rester. Il en revenait à peine à vrai dire. C'était même presque trop beau pour être vrai, d'avoir été accepté si rapidement sans qu'il ait besoin de galérer à se trouver un nouveau foyer.

- Et moi donc ! Je suis tellement soulagé là.

Le métier de la demoiselle étonna agréablement l'Italien. Finalement, elle était une esthéticienne des maisons dans un sens !

- Ce doit être un super métier que d'organiser le plus beau jour de la vie des couples.

La visite se fit aussitôt et fut assez rapide. Ce n'était pas un palace après tout, mais ça convenait très bien au jeune homme. Et bon sang, qu'est-ce que c'était propre ! Après avoir vécu chez Yura, ça faisait presque un choc.

- Oh ça oui, confirma t-il d'un hochement de tête.

De l'ordre, de l'hygiène, que demander de plus ? C'était tout bonnement impeccable. Par la suite, il réceptionna les clefs que venait de lui tendre Nalini. C'était tellement...satisfaisant. La journée devenait aussi impeccable que l'état de l'appartement.

- Wow, merci, souffla le métis ému, je suis...Je suis vraiment heureux. Je vais tout faire pour que tout se passe bien entre nous, tu verras. Tu ne vas pas le regretter.

Enfin, normalement non en tout cas.

- Merci de me faire confiance.

Alessandro confirma ses dires d'un hochement de tête. Il avait déjà eut l'occasion de faire des stages dans des salons de coiffure et ce genre de choses mais il devait bien admettre qu'il n'avait jamais rien touché à ce qui s'apparentait de près ou de loin aux mariages.

- Pourquoi pas ! Je pense que ça me plairait pour mes prochains stages en effet, se réjouit-il.

La jeune femme avait l'air ravie en apprenant l'avenir dans lequel se projetait l'Italien même s'il y avait encore pas mal de boulot avant d'y arriver. Alessandro savait que ça n'allait pas être une tâche facile, autant pour rassembler l'argent nécessaire que d'obtenir la confiance des gens et parvenir à faire tourner le tout mais il était d'un naturel optimiste. Si d'autres avaient pu, pourquoi pas lui ? En tout cas, ça lui faisait chaud au coeur de voir à quel point Nalini était prête à le soutenir, et même à l'aider, à le conseiller alors qu'elle le connaissait à peine. Il y avait vraiment encore des gens bien sur cette planète.

- Merci ! Pour le moment, j'en suis loin encore. Je vais déjà me contenter de réussir mes études et ça sera un bon début.

Ca le rassurait d'être tombé sur un colocataire aussi dévouée dès les premiers instants, apparemment bienveillante en tout point et généreuse comme pas permis.

- Il paraît qu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, répliqua t-il avec amusement.

Mais on avait finalement tous besoin d'amis. Même les personnes les plus solitaires en avaient besoin. Pas forcément de beaucoup, simplement d'au moins une ou deux âmes à qui se confier, échanger. Autre qu'un chat ou son poisson rouge en tout cas !

- Je comprends. C'est tellement beau et festif. C'est vraiment le jour fait pour rendre les gens heureux.

Il n'avait assisté qu'à un seul mariage dans sa vie. Tout récemment, celui de Yura et sa désormais femme ayant les moyens, elle n'avait pas fait dans le banal ! Son sourire s'élargit par la suite à la proposition de sa nouvelle colocataire. C'est qu'elle avait le sens de l'accueil en plus ! Le jeune homme s'empressa d'accrocher ses nouvelles clefs à son porte-clef avant de répondre :

- Va pour des sushis !

Le jeune homme acquiesça, touché par l'envie de Nalini de vouloir l'aider alors qu'ils venaient à peine de se rencontrer. Entre ça et le fait qu'elle veuille bien de lui en tant que colocataire, Alessandro se sentait vraiment trop gâté en si peu de temps. La chance lui souriait, tout était même un peu trop beau pour être vrai. Il n'allait pas s'en plaindre. La vie n'était pas faite que de mauvaises péripéties. Il pouvait y avoir de bien longues périodes de bonheur où tout roulait à merveille.

- Un peu plus d'un an, répondit-il alors, enfin si tout se passe bien.

Il n'y avait pas de raison que ça se passait mal, surtout avec l'enthousiasme et la volonté qu'il mettait dedans. Il avait déjà fait un gros morceau d'études depuis qu'il avait débarqué à Cranstown et s'en sortait à merveille. Il devait simplement continuer comme ça. Le jeune homme gloussa. Visiblement, il allait avoir l'honneur de faire découvrir à la demoiselle ce que cela faisait de vivre à plusieurs sous un même toit. Lui s'en réjouissait d'avance. Il avait eut tellement une bonne expérience avec Yura que ça ne pouvait qu'être tout aussi bien avec elle. Peut-être même mieux étant donné qu'elle avait au moins le mérite du rangement et de la propreté ! D'ailleurs, Nalini n'avait pas l'air plus perturbée que ça à l'idée de partager son lieu de vie avec un homme. Tant mieux bien sûr ! Alessandro allait lui aussi faire la découverte d'une colocation avec quelqu'un du sexe opposé. Toute expérience était bonne à prendre après tout.

- Oh eh bien...

Il se mit à réfléchir un instant sur la proposition de la demoiselle. Il venait d'arriver pour sa part, et ne se voyait pas vraiment ressortir tout de suite.

- Autant se contenter de commande, suggéra t-il, on pourra toujours aller manger sur place une prochaine fois.